
© David duChemin.Editions Eyrolles
Dans ses formations comme dans ses publications livresques ou en ligne, le photographe canadien David duChemin nous incite à nous détacher de la technique pour développer notre créativité et donner une âme à nos images. Ce grand voyageur, basé à Vancouver, est aussi un auteur qui partage à l’écrit comme à l’oral son incessante quête de sens dans ses travaux pour des organisations humanitaires. Son dernier opus, paru dans sa version française aux Editions Eyrolles (*), ne se rangera pas parmi les manuels ou tutoriels photo : il tient davantage du livre de photographe ou de photographies.
David duChemin ne méprise pas la technique mais nous parle ici de tout autre chose : comment mettre le savoir-faire à sa juste place, apprendre la patience et accepter d’attendre l’instant magique où la lumière change, respecter le processus créatif en devenant « une personne plus intéressée ». Ancien comédien, duChemin nous pousse à improviser, à rejeter les règles et la comparaison pour faire de la curiosité notre meilleur guide. Il tranche sur les apôtres de la perfection et autres participants de la course aux pixels dans laquelle nous entraîne l’industrie photographique. Ce n’est pas l’appareil ni la bonne utilisation de celui-ci qui fera de nous un artiste-photographe.

Le propos n’est peut-être pas nouveau mais duChemin va plus loin dans l’explication et la démonstration. Son texte et ses images donnent à réfléchir et incitent à nous remettre, comme lui, toujours en question en sortant de notre zone de confort. Le photographe a glissé entre les chapitres de son livre les travaux de ses récents voyages : Inde, Ethiopie, Italie, Tunisie, Egypte et Turquie sont ici représentées mais ne sont que quelques étapes dans la vie de ce nomade (voir son stock d’images sur https://davidduchemin.com/). Après d’autres publications en couleurs, le choix d’épreuves exclusivement en noir et blanc renforce cette fois on ne peut plus clairement le propos d’un humaniste contemporain. Rien de misérabiliste ici : duChemin ne cherche pas à émouvoir devant la pauvreté, à témoigner pour l’histoire ou à susciter la pitié : il est un citoyen du monde qui capte la lumière et qui a encore de l’espoir.
Une sélection d’images où hommes, femmes et enfants sont toujours présents, une absence de toute indication technique et de données Exif, une couverture rigide et la qualité d’un papier glacé : ce beau livre parle d’art mais sans aucune prétention. David duChemin se veut artiste, certes, mais ne s’embarrasse pas des définitions. Il donne les clés pour éduquer notre regard devant les beautés du monde, nous dit pourquoi il ne tient qu’à nous d’avoir des yeux pour les voir. Il faut le lire et regarder ses images pour aller plus loin, au-delà des évidences. Sachant que pour David duChemin, « apprendre à voir ce n’est pas ouvrir les yeux mais ouvrir l’esprit ».
(*) L’âme d’une image, David duChemin, Editions Eyrolles