
« Tout ce que je te demande, c’est que tes photos déplaisent aux parents ! ». Quand Daniel Filipacchi propose en 1962 à Jean-Marie Périer de partager l’aventure du magazine Salut les copains, le jeune photographe a tout juste 23 ans. L’âge de ses modèles, ces chanteurs et chanteuses de la génération yéyé, animés pour beaucoup par le rêve américain. De cette idée et avec la complicité de ses modèles dont il fut souvent proche, Jean-Marie Périer tira des photos qui n’étaient comme il le dit lui-même « que du spectacle sur papier pour distraire les jeunes et les faire rêver un peu ».
En revisitant ses archives, Jean-Marie Périer a extrait près de 400 clichés dont 150 photos inédites pour composer le premier livre de la marque d’édition qu’il met sur pied à l’approche de ses 80 ans. Complétées des souvenirs du photographe, qui raconte leur histoire et celle de ses rencontres avec les îcones en question, ces images forment un kaléidoscope qu’il est doux de feuilleter pour raviver la mémoire. Elles nous apportent aussi, par delà leur fraîcheur, quelques indications sur l’esprit de leur temps.

© Jean-Marie Périer. Editions Loin de Paris/ Privat
Johnny Hallyday, Sylvie Vartan, Jacques Dutronc, Françoise Hardy ou encore les Beatles, les Rolling Stones, Bob Dylan et Marianne Faithfull posent devant l’objectif de Jean-Marie Périer dans tous les accoutrements et toutes les situations. Les modèles ne craignaient ni le ridicule ni le clin d’oeil fortement appuyé. Ils ne refusaient rien au photographe et jamais n’exigeaient de voir une photo avant sa publication. Les obsédés du temps et du contrôle qui les ont remplacé(e)s comme ceux qui sont venus se greffer dans le milieu pourraient s’inspirer d’une telle modestie ou d’un tel sens de l’humour.

En couleur presque toujours, en grand ou en petit format, les images de Jean-Marie Périer ne montrent pratiquement jamais ou si peu (comme ci-dessous en concert) la réalité ou le moment présent. De ses modèles et amis, l’auteur comprend qu’« ils étaient en confiance justement parce que je ne traquais pas leur réalité ». Si ses photographies sont mises en scène et ne prétendent aucunement tenir lieu de documents, elles portent aussi témoignage aujourd’hui d’une insouciance et d’une audace qui s’exprimaient sans guère de retenue.

© Jean-Marie Périer. Editions Loin de Paris/Privat
Même un prix Nobel de littérature peut tomber sous le charme: « Ces grandes filles toutes simples ne savaient pas qu’elles étaient les années 1960 », écrit Patriclk Modiano dans sa préface. « Elles se contentaient, en toute innocence, d’être des instants, et pour elles le passé ou l’avenir n’existaient pas. Le temps s’était arrêté. Il suffisait de vivre un présent éternel. Ou, plus exactement, de le rêver. Et c’est bien le rêve de ces années-là que Jean-Marie a fixé sur la pellicule ».
En fin de compte, mes photos ne représentent pas les années 1960, mais seulement les rêves des adolescents de l’époque.
Jean-Marie Périer

Conscient que son approche, qu’il qualifie volontiers de dilettante, n’a pas fait de lui le plus grand photographe du monde, Jean-Marie Périer avoue regretter ce temps où il gagnait sa vie avec désinvolture et où ses commanditaires n’attendaient surtout pas de lui qu’il soit sérieux. A l’heure où la fête est finie, il nous laisse, et beaucoup sans doute lui en seront reconnaisssants, un parfum de nostalgie et des images empreintes d’une légèreté réjouissante. Comme des lambeaux de jeunesse qui ne veulent décidément pas nous quitter.
1960-1970 Jean-Marie Périer. Texte et photo de Jean-Marie Périer. Préface de Patrick Modiano. Editions Loin de Paris/Privat, 416 pages. Cartonné sous jaquette. 39,90 €