Reza Deghati – son nom d’auteur est Reza – est un photojournaliste d’origine iranienne, qui vient de publier chez Dunod en collaboration avec Florence At et Rachel Deghati un fort bel ouvrage. L’oeil de Reza (*) explique et fait admirer en une dizaine de « leçons » tout ce qui fait la noblesse du photoreportage tel que pratiqué par un photographe humaniste et engagé.

Exilé en France depuis 1981 — il fut contraint de quitter son pays natal suite à la publication d’images qui déplurent au régime des mollahs — Reza a poursuivi depuis plus de trente ans dans le monde entier un parcours atypique. Non content d’être photographe collaborateur de magazines prestigieux dont le National Geographic, il est aussi le fondateur d’une ONG dans le domaine de l’éducation au service de la société civile en Afghanistan. Des Ateliers Reza ont été mis sur pied pour former au langage de l’image dans différentes banlieues de France et d’ailleurs. Florence At, qui commente dans ce livre les images de Reza, ainsi que Rachel Deghati, qui les restitue dans leur contexte, se sont investies avec lui dans ces projets.

Dès l’enfance, Reza était, dit-il, « hypnotisé par les jeux de lumière sur les faïences des monuments ». La première leçon porte ici naturellement sur la lumière, qui « détermine notre intention visuelle et créatrice ». Les suivantes ont pour sujets le cadrage et la patience avant d’aborder le traitement des détails, du terrain et de la narration, les concepts d’humilité et de liberté, les idées de sélection et de partage.
S’il photographie dans les zones de conflit — du Maghreb à l’Asie et de l’Afrique aux Balkans — Reza ne distingue pas entre sa pratique du reportage et la vie quotidienne. En alerte permanente avec ses yeux et son appareil pour seuls armes, il est un photographe de l’instantané qui connaît le prix de la patience mais aussi sa récompense quand un humain vient s’inscrire dans son cadre après des heures d’attente. L’Afghanistan, où Reza fut employé comme consultant pour les Nations-Unies, le Kurdistan irakien et l’Azerbaïdjan en temps de guerre comme en temps de paix ont été ses terrains privilégiés. Ni voyeur ni conquérant, poussé par la nécessité de témoigner, Reza respecte ses modèles en montrant une part de leur intimité. Il n’est pas un photographe de guerre mais de paix et le thème de l’enfance lui est cher.

D’un point de vue stylistique, la formation d’architecte de Reza se ressent dans son sens de la composition, l’agencement des formes, le tracé des lignes et des courbes. Il s’attache au détail qui éclaire le tout. Convaincu qu’une image vaut mille mots, Reza n’aime pas, dit-il, être étiqueté car « l’étiquette contraint à un seul type d’images ». S’il est sensible à la poésie, il n’aime ni les interdits ni les portes fermées, en photographie comme sur le terrain.

Un portrait du commandant Massoud, réalisé dans une grotte, contribua à l’aura du résistant afghan. Cette image devenue emblématique fut utilisée pour la couverture du premier livre de Reza consacré à la mémoire du combattant contre l’envahisseur soviétique et les Talibans (ci-contre).
L’oeil de Reza, qui introduit la dimension pédagogique, convoque la passion pour la photographie et la géopolitique tout en plongeant le lecteur-spectateur dans les coulisses du photoreportage. Illustré des superbes images provenant des archives de Reza, le livre se clôt sur une parfaite démonstration du fait que la photographie vaut par son partage, quel que soit le support.
Reza n’est jamais retourné en Iran mais ne veut pas être perçu comme « le photographe venu d’ailleurs ». Il aime, dit-il « se sentir intégré partout », au sein des différentes communautés qu’il rencontre. La France est son port d’attache mais le monde est sa maison.
L’homme et le photographe sont formidables. Découvrez Reza ici mais aussi dans ses reportages, ses expositions et d’abord dans cette nouvelle publication.
(*) L’oeil de Reza. 10 leçons de photographie. Florence At, Rachel Deghati, Reza. Editions Dunod. Cartonné, 176 pages, 29€