Raconter une histoire en images : la méthode de Finn Beales

© Editions Eyrolles

Rares sont les adeptes de la photographie artistque qui peuvent se permettre de vivre de leur passion. Pratiquant une photographie commerciale, ils ont recours à des techniques qui peuvent également s’appliquer en dehors d’une activité professionnelle. Ainsi en est-il du storytelling, cet art de raconter des histoires.

Finn Beales a rencontré le succès en pratiquant la photographie de voyage, de ‘lifestyle » et la photographie commerciale. Adepte enthousiaste d’Instagram où il revendique 600,000 abonnés, il a déjà appliqué son style de photographie cinématique s’appuyant sur la narration au service de nombreuses marques d’envergure internationale telles Omega, Cartier, Apple ou encore des firmes automobiles comme Nissan, Land Rover ou Mazda. Il a également assuré la promotion touristique de plusieurs régions dont le Pays de Galles où il réside.

Beales est sans doute un parfait exemple d’une génération de créatifs s’appuyant sur internet et sur les réseaux sociaux pour construire leur carrière et leur vie. Fort de son succès, il a mis sur pied à l’invitation de son complice Alex Strohl un atelier à destination d’élèves (anglophones, précisons-le) désireux d’apprendre à construire une narration en images.

La méthode de Beales se décompose en cinq étapes, de la présentation à la livraison du produit en passant par la préparation d’un projet, la prise de vue et l’édition.

C’est la version livresque de cet atelier et de cette méthode de travail consignée dans une publication au Royaume-Uni que nous propose en traduction française la maison Eyrolles (*). Dans cet ouvrage, Beales reprend tout d’abord les fondamentaux, soit l’équipement nécessaire et les qualités d’une bonne image, avant de décomposer le processus de création d’une série photographique qui se voudra captivante pour son audience et le client potentiel du photographe. Chaque section de ce livre contient des exercices présentant les techniques essentielles, des idées de projets pour stimuler leur créativité avec des astuces et des exemples concrets.

Si la technologie ne cesse d’évoluer et si les modes changent, Beales, cet utilisateur d’applications qui admet avoir utilisé son iPhone pour de nombreuses illustrations de ce livre, prend pourtant soin d’avertir que suivre la mode est la meilleure façon de produire des clichés vides: « Je peux vous expliquer des techniques narratives mais je ne peux pas changer votre personnalité », écrit-il.

Un livre et une méthode destinés également aux amateurs mais surtout, nous semble-t-il, aux futurs professionnels désireux de séduire et de gagner en influence afin de proposer et vendre leurs services.

(*) Le storytelling en photographie. Finn Beales. Préface Alex Strohl. Editions Eyrolles. Broché, 176 pages, format 17×23 cm, 21 €.

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Découvrir la photographie avec David Bate

© Editions Flammarion

De nombreux ouvrages sur l’histoire de la photographie sont venus garnir les rayons des librairies ces dernières années. Certains s’inscrivent dans la catégorie « Beaux livres » mais d’autres sont d’un format et d’un coût plus modestes sans être superficiels pour autant.

Professeur de photographie à Londres, David Bate est un théorien reconnu dont les livres et les autres travaux critiques ou d’enseignement se penchent plus particulièrement sur les interactions entre l’image et la société. Les Editions Flammarion publient la version française d’un de ses ouvrages édité cette année au Royaume-Uni. « Découvrir la photographie » (*) s’appuie sur des exemples historiques représentatifs d’une tendance artistique ou d’une manière de documenter le réel ou d’appréhender les thèmes sociaux.

Depuis l’époque des pionniers jusqu’àux dernières formes d’expression, David Bate a choisi de retracer cette histoire à travers un choix de photographes, d’images et d’expositions, identifié(e)s comme emblématiques d’un jalon de l’histoire de la photographie ou d’un movement artistique renouvelant la façon d’appréhender le medium.

La sélection de Bate comprend quelques représentants majeurs comme Eugène Atget, Edward Steichen ou Robert Frank mais aussi des artistes moins connus comme certains Asiatiques ou comme le photographe pionnier afro-américain Augustus Washington, qui fut choisi comme portraitiste par son modèle John Brown. Ce dernier, meneur d’une campagne américaine anti-esclavagiste, sera pendu pour trahison en 1859. Son portrait, présenté dans un boîtier selon l’usage de l’époque pour les daguerréotypes, figure souvent dans les documentaires consacrés à cette figure historique de l’abolitionnisme. L’auteur du portrait, qui deviendra citoyen du Libéria, n’est pas toujours crédité pour autant.

Portrait de l’abolitionniste américain John Brown par Augustus Washington.
Daguerréotype, 1846-1847. Domaine public via Wikimedia Commons

Bate s’attache aussi à quelques épisodes marquants de l’aventure photographique comme la revue Camera Work et la Galerie 291 d’Alfred Stieglitz ou encore l’exposition The Family of Man, montée en 1955 par Steichen au Musée d’Art Moderne de New York (MOMA) et qui voyagera partout au point de compter le plus grand nombre de spectateurs après la Deuxième Guerre mondiale avant de trouver aujourd’hui une implantation permanente au Grand-Duché de Luxembourg.

L’ouvrage rend par ailleurs justice à plusieurs femmes photographes. A l’exception de l’inévitable Cartier-Bresson, de Brassaï (Hongrois d’origine) et de la plasticienne-sculptrice Annette Messager, il ne cite guère les Français mais on admettra qu’il y a bien d’autres livres pour cela .

Bate consacre ses derniers chapitres au post-modernisme et à la photographie d’art dite contemporaine (Jeff Wall, Hiroshi Sugimoto, Andreas Gursky, notamment). Il y rend compte d’une diversité grandissante et des nouvelles pratiques dans lesquelles la photographie devient une technique parmi d’autres au service d’un « concept » ou autre projet s’adressant à la réflexion du spectateur dans un environnement globalisé.

Le livre propose des lectures complémentaires ou ciblées pour chacun des grands mouvements, de même qu’un glossaire des termes de la photographie.

Cet ouvrage, qui peut ouvrir la voie à de multiples réflexions sur le rôle de la photographie, montre comment celle-ci n’a jamais cessé d’influencer la façon de voir le monde. Au-delà des mutations techniques, cette histoire-là se poursuit désormais dans un éclectisme culturel et à travers des approches qui ne sont pas toujours faciles à appréhender mais dans lesquelles la valeur marchande n’est pas absente.

Où se situent alors les limites de l’art photographique, à supposer que la question se pose encore? La photographie ne risque-t-elle pas de perdre son âme? C’est une autre histoire, que raconteront peut-être d’autres livres sur la photographie.

(*) Découvrir la photographie. David Bate. Editions Flammarion, collection L’art en poche. Broché, 176 pages, format 139×216 mm, 12€. Parution le 27/10/2021.

De Léonard Misonne à Volker Gilbert : maîtriser l’exposition

Waterloo Place. Une photographie de Léonard Misonne, 1899.
Domaine public.

« Le sujet n’est rien; la lumière est tout! » Cette affirmation, peut-être quelque peu catégorique, est aussi un peu datée: elle est attribuée à l’un des maîtres du pictorialisme, le photographe belge Léonard Misonne (1870-1943). Elle renvoie pourtant à l’essentiel et à ce que de nombreux photographes amateurs, dans les clubs ou ailleurs, négligent trop souvent.

© Editions Eyrolles

Les progrès de l’intelligence artificielle et de l’automatisation dans la conception des appareils photographiques permettent aujourd’hui de faire sans difficulté et de partager sans attendre avec le monde entier des images correctement exposées. Il n’empêche qu’une bonne exposition implique toujours de faire parvenir sur la surface sensible (le capteur, autrefois le film) la quantité de lumière nécessaire pour représenter le sujet. L’exposition doit permettre de traduire notre sensibilité artitstique.

La qualité de la lumière intervient elle aussi de manière essentielle en révélant ou en dissimulant couleurs, formes et textures selon le propos du photographe. Le numérique n’a pas bouleversé ces données fondamentales de l’acte photographique.

Avec Les secrets de la lumière et de l’exposition (*) qui fait l’objet d’une nouvelle édition chez Eyrolles, Volker Gilbert, photographe, expert et formateur bien connu des lecteurs du Monde la Photo, souhaite nous aider à reprendre le contôle de l’exposition en passant en revue les fondamentaux de la prise de vue et du post-traitement.

Gilbert part donc des trois paramètres qui constituent le fameux triangle d’exposition (l’ouverture, le temps de pose et la sensibilité) avant d’examiner les propriétés de la lumière. Le livre entre alors dans les rouages de la capture numérique et de la mesure de la lumière, des modes de mesure aux modes d’exposition, Il aborde des notions telles que le taux de contraste et la plage dynamique, la sensibilité et le bruit numérique, les formats de fichiers. Il nous apprend à interpréter l’histogramme, à utiliser les filtres pour contrôler la quantité de lumière et à maîtriser les contrastes. Gilbert nous propose ensuite des études de cas d’exposition avant de nous guider assez longement dans le post-traitement et les manières d’ajuster l’exposition a posteriori.

Assurément concret, le livre se veut aussi complet avec des annexes dont un glossaire des termes techniques ainsi qu’une liste d’autres ouvrages pour les curieux désireux d’approfondir certains domaines ou procédes. Gilbert a poussé l’élégance — on applaudit — jusqu’à renvoyer vers d’autres auteurs et d’autres éditeurs.

Cet ouvrage devrait encourager ses lecteurs à s’interroger sur le rendu qu’ils souhaitent obtenir et à utiliser les bonnes techniques pour parvenir à leurs fins. Il devrait les convaincre de développer leur sensibilité à la lumière (et donc à l’ombre aussi) et de ne pas se contenter d’apprécier la lumière d’une manière seulement quantitative.

Léonard Misonne. Près du moulin. Années 1910. Domaine public

Car la lumière ne doit pas seulement exister en quantité suffisante; elle doit aussi, comme ci-dessus chez notre cher Léonard Misonne, servir le propos de l’image et de l’artiste-photographe.

Sans lumière, il n’y a pas vraiment photo!

On signalera à cette occasion que dans la même collection Secrets des photographes ont déjà paru en cette même année 2021 chez Eyrolles:

(*) Les secrets de la lumière et de l’exposition. Visualisation – Réglages – Prise de vie – Post-traitement. Volker Gilbert. 2è édition. Edition Eyrolles. Collection Secrets des photographes. Broché, 236 pages, format 17×23 cm, 26€.

L’art du portrait corporate avec Milena Perdriel

Portraitiste à Paris, Milena Perdriel inaugure une nouvelle collection des Editions Eyrolles avec un ouvrage consacré au marché et à la pratique de la photo de portrait pour des professionnels, autrement dit le « portrait corporate » (*). Son livre fait le choix de ne pas s’attarder sur les aspects techniques d’une séance pour un usage professionnel, nous épargnant les explications que les intéressés maîtrisent déjà ou trouveront aisément par ailleurs.

Plutôt que des plans d’éclairage, Milena Perdriel partage donc par le menu le script de ses prestations, depuis le contact initial avec ses clients divers (dirigeants, employés, indépendants, personnes en recherche d’emploi) jusqu’au traitement et à la livraison des images. Bien structuré et s’appuyant sur une maquette agréable dosant parfaitement texte et illustrations, son livre décline d’abord les catégories de clients selon leurs sollicitations et besoins de même que les types de portraits. Il aborde les questions habituellement soulevées par la clientèle tout comme celles qu’il convient, pour s’épargner des mauvaises surprises, de soulever avant la séance et auxquels le futur modèle ne pense pas forcément.

La porte du studio s’ouvre alors pour le déroulé d’une séance avec des modèles-types aux profils variés auxquels la photographe suggère des poses, tenues, accessoires et cadrages destinés à rencontrer leurs attentes en fonction de la destination finale des images et de leurs cibles. Qu’il s’agisse d’illustrer le site internet d’une entreprise commerciale, de mettre en valeur un individu ou une équipe pour une publication dans la presse ou tout autre contenu visuel à des fins de communication, le portrait corporate obéit forcément à d’autres lois que le portrait personnel et artistique.

S’il s’adresse naturellement en priorité aux photographes professionnels ou aux candidats à l’exercice de cette activité, cet ouvrage contient des enseignements pour les autres passionnés du portrait photographique, notamment quand il traite des types de portrait, de l’atmosphère d’une séance et de la relation entre le photographe et son sujet. Toujours concret, le livre montre à quel point chaque rencontre autour d’un portrait doit être abordée avec un mélange de délicatesse, de savoir et d’énergie. Bien appliquées, ces valeurs feront du résultat final un travail qui mettra en valeur la personnalité de la personne photographiée en lui apportant autant qu’au ou à la photographe une satisfaction non seulement professionnelle mais aussi personnelle.

Avec ce détour dans les coulisses du portrait professionnel, Milena Perdriel nous présente un plaidoyer honnête et convaincant pour sa spécialité.

(*) Portrait corporate. De l’accueil du client à la sélection des images, le déroulé d’une séance photo. Milena Perdriel. Editions Eyrolles, collection Ma séance photo. Broché, 142 pages, format 17X20, 25 €.

A signaler également la deuxième parution dans cette même collection:

Ma séance photo: Sublimer la femme enceinte. Dans ce cas c’est Emilie Zangarelli qui ouvre les portes de son studio pour une autre spéciaité, la photographie de (future) maternité. Comment révéler la beauté et conserver la trace du corps qui porte la vie. Un guide qui lève le voile, porté par des valeurs d’émotion et d’élégance.

Editions Eyrolles, broché, 160 pages, 25 €.