David Yarrow, maître en photographie naturaliste et artistique

David Yarrow, photographe britannique (écossais pour être précis) né en 1966, jouit depuis quelques années maintenant d’une grande réputation pour son travail sur le monde animal et les espèces en danger. Pas très loin d’un Nick Brandt sans doute mais oeuvrant sur un terrain géographique plus large et d’une manière plus immersive, cet ambassadeur pour Nikon apporte par son activité, également philantropique, sa contribution au mouvement conservationniste.

Une exposition David Yarrow est accessible en ce début d’année et jusqu’au 12 mars à la A. Gallerie à Paris (*).

© Editions Eyrolles

Dans le même temps, après ceux consacrés à Joël Meyerowitz et Albert Watson, un troisième livre tiré de la série « Masters of Photography » paraît chez Eyrolles (**). En 20 courtes leçons, David Yarrow y fait part de son savoir-faire et de son expérience, depuis ses débuts dans la photographie de sport. Le jeune David Yarrow saisit à 20 ans le footballeur Diego Maradona brandissant le trophée après la victoire de l’Argentine dans la Coupe du Monde de 1986. L’intérêt et le succès rencontrés par le cliché s’expliquent par l’emplacement judicieusement privilégié du photographe et par le regard du génie du ballon rond fixé sur l’objectif. Cette image restera emblématique de l’événement comme d’une époque de la photographie sportive d’avant l’auto-focus.

Auteur d’un parcours très particulier, celui qui fut ensuite banquier et même propriétaire d’un fonds d’investissement avant de se consacrer définitivement à la photographie distille dans ce condensé ses conseils de composition et de perspective comme de comportement dans les milieux naturels dangereux. Il raconte comment il se positionne ou positionne son déclencheur à distance car les modèles de Yarrow ne sont pas toujours pacifiques.

La « marque » photographique David Yarrow se décline en noir et blanc. Elle se caractérise par une netteté parfaite, valorisée au tirage confié à son complice Joe Berndt. Parmi les autres recommandations, Yarrow souligne l’importance du travail en amont de la prise de vue: « J’ai réalisé mes meilleurs clichés en quelques secondes mais j’y ai investi des heures de recherches », souligne-t-il. Mankind, son cliché de vachers pris en 2015 au Sud Soudan et qui a largement contribué à son statut actuel, doit beaucoup à cette préparation méticuleuse.

The Squad, 2019 © David Yarrow; courtesy A-Gallerie

Si le type de photographie qui a fait son succès justifie forcément de tels soucis, Yarrow se dit persuadé qu’il est essentiel d’anticiper pour réfléchir sur le type d’image que nous voulons capter et que cela se vérifie pour tout type de photographie. La recette mais surtout le talent de l’homme ont fait de lui en quelques années l’un des photographes les plus côtés et les mieux payés du monde. Ses tirages ont souvent le format d’une table de billard ou plus. Il entend en faire des objets de convoitise et assume son propos. Cela lui vaut parfois des critiques mais lui permet aussi de lever des fonds pour des associations caritatives. Un juste retour des choses pour un photographe qui reconnaît avoir beaucoup pris au monde naturel.

David photographiant des éléphants, 2016
(quatrième de couverture)
© Editions Eyrolles

L’ouvrage comprend les photographies les plus célèbres et les plus saisissantes de Yarrow, illustrant son approche qui ne consiste pas à documenter le comportement des animaux ni à faire du photoreportage. Chez Yarrow en effet, l’appareil est un outil au service du photographe et de son ressenti: « Commencez toujours par la question qu’est-ce que j’essaie de photographier, puis déroulez le processus ».

L’ambition de David Yarrow reste bien de créer des photos artistiques, des images qui se suffisent à elles-mêmes, avec leur profondeur et l’émotion qu’elles dispensent. C’est le coeur et la finalité de sa pratique. Et l’émotion dans ses images naît souvent du regard et des yeux de l’animal.

Comme pour les autres livres de cette série, les lecteurs désireux de voir le maître à l’oeuvre pourront se plonger dans les vidéos. La bande d’annonce de la Master Class de David Yarrow, disponible en français chez Maitres photographes, est ici.

(*) David Yarrow. A. Gallerie. 4 Rue Léonce Reynaud, 75116 Paris. Ouvert du lundi au vendredi 10>13 & 15>19; samedi 12>19.

(**) David Yarrow, Une vision de la photographie. Editions Eyrolles, collection Masters of Photography. Broché, 128 pages, format 14,5 x 20; 15,90 €.

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Découvrir la photographie avec David Bate

© Editions Flammarion

De nombreux ouvrages sur l’histoire de la photographie sont venus garnir les rayons des librairies ces dernières années. Certains s’inscrivent dans la catégorie « Beaux livres » mais d’autres sont d’un format et d’un coût plus modestes sans être superficiels pour autant.

Professeur de photographie à Londres, David Bate est un théorien reconnu dont les livres et les autres travaux critiques ou d’enseignement se penchent plus particulièrement sur les interactions entre l’image et la société. Les Editions Flammarion publient la version française d’un de ses ouvrages édité cette année au Royaume-Uni. « Découvrir la photographie » (*) s’appuie sur des exemples historiques représentatifs d’une tendance artistique ou d’une manière de documenter le réel ou d’appréhender les thèmes sociaux.

Depuis l’époque des pionniers jusqu’àux dernières formes d’expression, David Bate a choisi de retracer cette histoire à travers un choix de photographes, d’images et d’expositions, identifié(e)s comme emblématiques d’un jalon de l’histoire de la photographie ou d’un movement artistique renouvelant la façon d’appréhender le medium.

La sélection de Bate comprend quelques représentants majeurs comme Eugène Atget, Edward Steichen ou Robert Frank mais aussi des artistes moins connus comme certains Asiatiques ou comme le photographe pionnier afro-américain Augustus Washington, qui fut choisi comme portraitiste par son modèle John Brown. Ce dernier, meneur d’une campagne américaine anti-esclavagiste, sera pendu pour trahison en 1859. Son portrait, présenté dans un boîtier selon l’usage de l’époque pour les daguerréotypes, figure souvent dans les documentaires consacrés à cette figure historique de l’abolitionnisme. L’auteur du portrait, qui deviendra citoyen du Libéria, n’est pas toujours crédité pour autant.

Portrait de l’abolitionniste américain John Brown par Augustus Washington.
Daguerréotype, 1846-1847. Domaine public via Wikimedia Commons

Bate s’attache aussi à quelques épisodes marquants de l’aventure photographique comme la revue Camera Work et la Galerie 291 d’Alfred Stieglitz ou encore l’exposition The Family of Man, montée en 1955 par Steichen au Musée d’Art Moderne de New York (MOMA) et qui voyagera partout au point de compter le plus grand nombre de spectateurs après la Deuxième Guerre mondiale avant de trouver aujourd’hui une implantation permanente au Grand-Duché de Luxembourg.

L’ouvrage rend par ailleurs justice à plusieurs femmes photographes. A l’exception de l’inévitable Cartier-Bresson, de Brassaï (Hongrois d’origine) et de la plasticienne-sculptrice Annette Messager, il ne cite guère les Français mais on admettra qu’il y a bien d’autres livres pour cela .

Bate consacre ses derniers chapitres au post-modernisme et à la photographie d’art dite contemporaine (Jeff Wall, Hiroshi Sugimoto, Andreas Gursky, notamment). Il y rend compte d’une diversité grandissante et des nouvelles pratiques dans lesquelles la photographie devient une technique parmi d’autres au service d’un « concept » ou autre projet s’adressant à la réflexion du spectateur dans un environnement globalisé.

Le livre propose des lectures complémentaires ou ciblées pour chacun des grands mouvements, de même qu’un glossaire des termes de la photographie.

Cet ouvrage, qui peut ouvrir la voie à de multiples réflexions sur le rôle de la photographie, montre comment celle-ci n’a jamais cessé d’influencer la façon de voir le monde. Au-delà des mutations techniques, cette histoire-là se poursuit désormais dans un éclectisme culturel et à travers des approches qui ne sont pas toujours faciles à appréhender mais dans lesquelles la valeur marchande n’est pas absente.

Où se situent alors les limites de l’art photographique, à supposer que la question se pose encore? La photographie ne risque-t-elle pas de perdre son âme? C’est une autre histoire, que raconteront peut-être d’autres livres sur la photographie.

(*) Découvrir la photographie. David Bate. Editions Flammarion, collection L’art en poche. Broché, 176 pages, format 139×216 mm, 12€. Parution le 27/10/2021.

Trouver des sujets dans notre quotidien avec Harald Mante

Après la publication, il y a un an, de son ouvrage de référence dédié à la théorie des couleurs, les Editions Eyrolles diffusent un autre livre d’Harald Mante (*). Ce photographe, designer et profes­seur allemand issu du Bauhaus, âgé aujourd’hui de 85 ans, exerça une grande influence sur la photographie couleur, en particulier mais pas seulement dans son pays. La nouvelle parution est la refonte d’un ouvrage édité il y a 25 ans sous le titre Motive kreativ nutzen (Utiliser des sujets de manière créative), plus explicite au demeurant que le titre en français.

© Editions Eyrolles

Avec sa compagne, la sculptrice Eva Witter, Mante a remis l’ouvrage sur le métier, muni, nous dit-on en préface, d’un petit boîtier numérique et d’un smartphone afin de renouveler complètement les illustrations. Ceci nous vaut plus de 400 images à l’appui de courts textes qui nous invitent à puiser dans tout ce qui nous entoure des « motifs » (entendez des sujets) à photographier. Mante nous incite à garder les yeux ouverts, à aiguiser notre regard pour faire de ces « motifs », à priori banals, des images créatives.

Tout commence donc par la reconnaissance du sujet et se fonde sur le principe selon lequel « vous ne pouvez reconnaître que ce que vous connaissez déjà ». Mante a l’ambition de nous faire découvrir de nouveaux points de vue en trouvant matière partout: fenêtres factices, maisons mitoyennes dont les couleurs présentent un contraste, voitures en stationnement, mannequins en vitrine, cadre à l’intérieur du cadre, reflets et architecture en miroir, et même…toilettes publiques.

Une certaine banalité transparaît aussi dans les textes de l’ouvrage (« une ligne verticale divise l’image en deux parties, gauche et droite ») et la réactualisation de l’écrit ne va pas sans l’énoncé de quelques évidences: partant du constat qu’en raison des réseaux sociaux, « le délai entre la création d’une photo et sa diffusion est devenu très bref » et que « la plupart des sujets sont devenus quelque peu ordinaires », il faudra forcément trouver « des interprétations et associations nouvelles ».

Ce livre, dont le didactisme peut ou non s’apprécier selon votre sensibilité, permet par ailleurs de réfléchir sur la présentation d’une séquence photographique, depuis la paire d’images jusqu’aux séquences beaucoup plus longues. Mante nous présente ses propres séries comme celles réalisées à quatre mains, qui sont sans doute les plus originales. Un exemple: les deux partenaires, lors de la visite d’un château, utilisent exceptionnellement cette fois-là des appareils argentiques et notent que certains détails se chevauchent dans la mémoire. D’où le recours au procédé classique de la surimpression pour fusionner leurs vues de l’intérieur et de l’extérieur du château en une seule image. Et là alors, c’est vrai, nous sommes bluffés.

(*) La photo. Composition et motif. Harald Mante, Eva Witter. Adapté de l’allemand par Volker Gilbert. Editions Eyrolles. Cartonné, 190 pages, format 27×26, 28€.

Les outils de l’astrophotographe : lire et capter le ciel et les étoiles

© Editions Eyrolles

Qui dit paysage astronomique dit forcément très faible luminosité. Les APN et les objectifs les plus récents dotés des derniers perfectionnements dans la gestion des basses lumières et du bruit numérique rendent aujourd’hui plus facile la réalisation de superbes photographies du ciel nocturne. Investir dans un matériel pointu fera d’autant plus la différence mais rien n’empêche désormais de commencer avec un équipement relativement basique. Si les pleins formats 35 mm offrent les meilleurs résultats, l’utilisation d’un capteur plus modeste n’a rien de rédhibitoire.

Adam Woodworth a voulu permettre à tout détenteur d’un kit réflex ou hybride, muni de logiciels de traitement courants, de réaliser d’époustouflantes images de la voûte étoilée. Publié chez Eyrolles dans une traduction de l’anglais, « Photographier le ciel nocturne » (*) se propose d’initier aux techniques de la photographie en basse lumière telles la fusion d’exposition et des mises au point.

Sans couvrir tous les aspects de l’astrophotographie, Woodworth nous explique donc comment prendre plusieurs vues, comment les fusionner et les empiler pour créer l’image définitive. L’essentiel de l’ouvrage est consacré au matériel, aux réglages de l’appareil et de l’exposition mais aussi à la planification des sorties, ce qui suppose l’acquisition de quelques bases d’astronomie et de météo. On passe en revue les logiciels de cartographie et le flux de travail en étapes tel que l’enseigne Woodworth dans ses formations et séminaires qu’il dispense pour Nikon aux Etats-Unis. Woodworth partage avec son lecteur ses astuces et conseils et termine par quelques études de cas qui donnent réellement envie de passer du temps sous les étoiles.

Le côté « manuel » de l’ouvrage est bien équilibré par une présentation très séduisante et par les superbes photographies de Woodworth. Une précision: n’attendez pas de ce livre qu’il vous explique comment photographier la lune ou les traînées d’étoiles. Il s’agit plutôt ici de maîtriser son sujet devant la Voie lactée, la Constellation d’Orion, la Grande Casserole et le Nuage de Magellan sans compter les aurores boréales. Les images de Woodworth sont publiées dans les magazines spécialisés. Découvrez-les également sur son site. Vous serez épatés.

© Editions Eyrolles

Dans le même domaine, on signalera la réédition chez le même éditeur des « Secrets de l’astrophoto » (**), un ouvrage de Thierry Legault, astrophotographe amateur de renommée mondiale dont les photographies sont régulièrement publiées dans la presse du monde entier, spécialisée ou nom.

Les photographes amoureux du ciel et des étoiles, les curieux qui ne sont pas encore très expérimentés trouveront dans ce livre mis à jour toutes les informations sur le matériel de base et son utilisation. Les astrophotographes en herbe apprendront ici aussi à préparer leur sortie, à effectuer les repérages et à anticiper le spectacle du ciel. L’ouvrage aborde les techniques et les traitements essentiels, couvrant astropaysages et Voie lactée, aurores, planètes, satellites. Ce livre-ci vous dira également comment photographier la Lune, le Soleil (protégez-vous d’abord!), les éclipses, sans compter les nébuleuses et les galaxies.

© Editions Eyrolles

Legault est par ailleurs et surtout l’auteur de Astrophotographie, qui bénéficie en 2022 d’une quatrième édition chez Eyrolles (***). L’éditeur souligne à cette occasion que des photos captées aujourd’hui par des amateurs avertis surpassent en qualité les images prises il y a quelques décennies depuis les plus grands observatoires !

Cet ouvrage exhaustif vous expliquera la simple prise de vue à l’aide d’un trépied (constellations, Voie lactée, étoiles filantes, comètes, éclipses, etc.) mais aussi l’astrophotographie plus poussée pour la photographie lunaire, planétaire, solaire et de ciel profond. Déjà traduit en plusieurs langues, ce livre fait véritablement office de référence sur le sujet. L’astronome-auteur Thierry Legault est en effet est une autorité en la matière au point que l’Union astronomique internationale, seule habilitée à conférer leur nom aux objets célestes, a donné son nom à un astéroïde.

L’astrophotographie est certes l’une des formes de photographie parmi les plus exigeantes: la patience est essentielle et le savoir-faire particulièrement indispensable mais il est possible de réaliser des clichés étonnants sans investissements trop importants. Anthony Pidgeon, photographe professionnel expérimenté, l’assure : dans ce domaine, « tout événement aléatoire est une source de richesse. Acceptez-le et votre expérience de la photographie nocturne vous réservera des surprises étonnantes. »

(*) Photographier le ciel nocturne, Adam Woodworth. Editions Eyrolles. Broché, 208 pages, format 23,5 x 25,5 cm. 28 €.

(**) Les Secrets de l’astrophoto. Matériel – Technique – Observation. Thierry Legault. Editions Eyrolles. Collection Secrets de photographes. Deuxième édition. Broché, 132 pages, format 17 x 23 cm, 24 €.

(***) Astrophotographie. Thierry Legault. Editions Eyrolles. Quatrième édition. Broché, 184 pages, format 24×28. 39,90 €.

Article mis à jour le 26 juillet 2022.